2 ème partie du Mat et du Vent,
Une bourrasque ranime les cris, les soupirs et les hurlements de la vie des siècles passés et soudain, en un instant le silence prend place. Je laisse s’exprimer sur un ton plus profond et serein des murmures graciles. Il me souffle avec délicatesse et parcimonie de nouvelles histoires avec des affabulations, des contes de nos ancêtres dans des dialectes primaires en vociférant des idiomes millénaires. Pour celui qui médite et l’écoute avec entendement, ce sont des diamants, des émeraudes, des saphirs, des rubis teintés d’éclats de mille couleurs flamboyantes, pétris de merveilleux vers taillés dans la pierre qui ont façonné dès l’aube de l’humanité la raison, la connaissance et la compassion.
Du berceau de l’humanité il y a des millions d’années s’est envolé une plume lisse et légère qui fredonne aux esprits les plus subtils et enchanteurs d’écrire . Aujourd’hui encore elle ne cesse jamais de se promener tout autour de la terre pour répandre le bonheur, comme la voix d’un castrat atteignant le firmament.
Ce matin sur ce chemin, où souffle dans mes oreilles mon ami le vent me raconte ses dernières prouesses. Marchant à demi-assoupi, une vive intuition me sort de ma torpeur dans laquelle tous mes sens étaient ensommeillés. Je m’arrête, ferme les yeux et constate avec la plus belle des récompenses que vous êtes là, cela me fait grand plaisir. Je vous perçois d’ici, tenant entre vos mains deux ou trois feuillets que j’ai écrit jadis. Oui ! C’est bien à vous que je cause.
Je ne suis pas narcissique, ni imbu de ma personne, mais j’aime que l’on apprécie mes contes et nouvelles. D’un tempérament plutôt bavard et quelquefois familier, vous m’avez peut être reconnu, je suis le Mat, mais on me surnomme aussi le Fou. Le nom que je porte m’a été attribué il y a bien longtemps, vers le XV siècle, par un homme d’expérience dans la cartomancie, dont le nom s’est effacé de ma mémoire. Dans cet éclat de souvenir, je me rappelle aussi qu’un après midi sous un ciel bleu, j’ai aperçu à la croisée des chemins, cet homme sombre que j’avais rencontré il y a une centaine d’années. Grand initié des arts divinatoires, il était planté là, me fixant avec ses yeux noirs, d’une profondeur immense.
Moi, toujours d’un pas agile, tournant la tête, le regardant du coin de l’oeil j’ai continué mon chemin. Dans votre monde je suis connu d’un célèbre jeu de cartes, dépeint sous une arcane disparate, d’un tempérament nébuleux et une apparence nonchalente. Ami, serviteur du vent et magicien, aujourd’hui je suis son souffleur, baroudeur, moi aussi, je vais de villes en villes, traversant les champs et les forêts, j’ai même dans ma jeunesse, traversé les océans pour me rendre sur les nouveaux continents. J’ai l’ouie fine, mes oreilles sont longues et bien aiguisées, j’écoute tout ce qui peut se dire et le raconte ensuite.Dans ma vie j’ai inspiré les plus grands écrivains, peintres et sculpteurs. Je me souviens d’un philosophe qui écrivait ou corrigeait ses textes pour une encyclopédie, dans l’intention d’éclairer les hommes de leur obscurantisme. Moi le magicien je peux apparaître et disparaître à ma guise, pour me fondre dans l’esprit des hommes assidus à leur travail avec acharnement et, sans aucune retenue.
Je me rappelle vaguement qu’un soir sur sa petite table dans la pénombre à demi assoupi, j’étais là penché sur son épaule, lui soufflant quelques idées. Les étincelles qui foisonnent dans notre esprit sont comme des étoiles filantes, il suffit simplement de les surprendre et de se les approprier.
Le Mat et La roue de Fortune
Moi qui voyage à travers le monde, je me dois de vous avouer de n’être jamais vaincu. Souvent persécuté par les imbéciles, l’ignorance est un fléau qui touche toutes les classes sociales