Sur le chemin où le vent glacé rougit mon visage, j’écoute.
Marchant emmitouflé, je penche l’oreille et j’entends le vent me raconter ses fabliaux. Je traverse de villes en villages à travers les forêts, les plaines, les montagnes et les mers, il m’entraine dans ses récits et, me fait découvrir depuis l’aube des temps l’esprit des civilisations.
Gardien des légendes, des croyances et des mythes que le temps a fait taire, il porte en son coeur et pour l’éternité ses trésors éparpillés aux quatre coins du monde, qu’il recueille à chaque instant sur son passage.
Fier, plein d’audace des merveilles qu’il possède, il parade dans une béatitude enfantine et glisse sur les hautes herbes, il s’amuse et transforme les vallons verdoyants d’une holà gigantesque. Libre, il est libre, fidèle à lui- même.
Soudain, en un instant il bouscule tout sur son passage, il s’engage dans une course folle. S’agitant aux abords des forêts que l’hiver a figés, il secoue et fouette toutes les branches mortes des arbres centenaires, qu’il prend soin de coiffer pour le printemps qui s’annonce. Puis, il continue sa route et traverse à grandes enjambées cette vallée olympienne, batifole et longe la rivière en crue, heurte les pierres et les rochers, puis finit par s’installer. Soudain, il tourbillonne comme suspendu dans le temps, au dessus d’un nuage de millions de petites gouttelettes d’eau qui ressemblent à des pépites argentées, d’une fraicheur si exaltante et si vivante, qu’un rayon de soleil pointe son nez pour éclairer d’une luminosité irréelle ce tableau digne d’un impressionniste, qui rallie rêve, beauté et poésie. Maintenant il déboule dans un village médiéval d’une fougue galopante, comme un clown espiègle, pénétrant les ruelles étroites d’un air vif et sans aucune retenue, renverse tout sur son passage.
Claque les portes, persiennes, chavire les étalages, balaie les feuilles mortes et autres gravelures couchées sur le pavé, les fait voltiger tout azimut comme des confettis lors d’une fête carnavalesque. Il se délecte des frasques qu’il occasionne, puis prend en chasse d’une énergie qui déborde ex abrupto, villageois, villageoises, qui se sont risqués à sortir en sa présence. Courtauds, plantés sur leurs galoches ou frêles dames vetues de grandes robes, vacillant sur leurs échasses blanches et tremblantes, avec une désinvolture sans relâche, les talonnent, les chahutent à leur faire perdre le nord.
Tout à coup la récréation est finie, en un instant avec la dextérité d’un prestidigitateur, il se plastronne et disparait quittant ce lieu. Il côtoie les hauts sommets arides que l’érosion a sculptés avec le temps , ces temples de fines et somptueuses entailles pour y trier et classer encore et toujours pour notre grand plaisir les plus beaux poèmes, comptines, fables, légendes, citations, nouvelles, dictons, récits et anecdotes
Sur ce chemin, je me promène ce matin, mon ballot sur le dos, les yeux grands ouverts comme un enfant émerveillé des délices que m’offre dame nature. Qu’il est agréable d’entendre le vent rugir sur mes lèvres gercées, mon bonnet sur la tête et mes mains engourdies, continuant de rêver, j’écoute le vent qui bourdonne de plus belle.